Les conséquences mortelles du nouvel accord « Stop the Boats » (Arrêtez les bateaux)

Le dimanche 14 janvier 2024, vers deux heures du matin (CET), cinq nouvelles personnes sont mortes en tentant de traverser la Manche pour se rendre au Royaume-Uni. Les survivants rapportent que leur embarcation s’est brisée près de la plage de Wimereux, au nord de Boulogne-sur-Mer, alors que plus de 70 personnes tentaient de monter à bord lors de la mise à l’eau. Le communiqué de presse de la préfecture maritime indique que les forces de police présentes à terre ont d’abord tenté de secourir les personnes qui regagnaient la plage, tandis que des bateaux de sauvetage et un hélicoptère ont repéré quatre personnes inconscientes en mer. Plus tard dans la matinée, un promeneur a découvert un cinquième corps rejeté sur la plage. Outre les cinq personnes décédées, une personne a été placée en soins intensifs à l’hôpital de Boulogne en raison d’une hypothermie sévère, 33 autres ont reçu des soins à terre après l’incident. L’identité des personnes décédées n’a pas encore été officiellement publiée. Les témoignages des survivants indiquent qu’il s’agirait de quatre ressortissants syriens, dont deux âgés de 14 et 16 ans. La cinquième personne n’a pas encore été identifiée, mais nous pensons qu’il s’agit d’un homme originaire du Moyen-Orient.

Cet incident est le dernier d’une tendance inquiétante que nous avons observée tout au long de l’année 2023 : une augmentation des accidents mortels dans la Manche, non pas au large des côtes françaises mais très près des plages et souvent en présence de la police.

L’intensification des activités de la police française depuis la signature du dernier accord franco-britannique en mars 2023 a eu deux conséquences principales :

  1. Moins de canots pneumatiques ont pu être acheminés vers les côtes françaises, ce qui a conduit à une augmentation du nombre de personnes tentant d’embarquer et des embarquements plus chaotiques;
  2. Un plus grand nombre d’attaques policières sur les bateaux lors de leur mise à l’eau, augmentant les situations de panique et déstabilisant des mises à l’eau déjà dangereuses.

Ces éléments provoquent non seulement des embarquements plus dangereux et plus meurtriers, mais également des traumatismes corporels et psychologiques plus importants pour les voyageurs exposés à la brutalité policière, ainsi qu’une multiplication des séparations des familles à bord des bateaux pneumatiques ou sur les plages dans la précipitation du départ.

Dans ce rapport, nous montrons l’évolution de la politique et des pratiques des États, responsables de cette tendance, tout en mettant en lumière les personnes ayant perdu la vie du fait de ces circonstances.

Plus d’incidents mortels

Depuis le début de l’année 2023, le nombre d’incidents mortels dans la Manche a augmenté de façon alarmante par rapport à 2022. Sur les 29 personnes1 connues pour être décédées à la frontière franco-britannique l’année dernière selon Calais Migrant Solidarity, au moins 13 ont perdu la vie dans six incidents différents liés à des traversées maritimes. Ce chiffre inclut le naufrage du 12 août dans lequel six hommes afghans se sont noyés2. C’est beaucoup plus que les six personnes au moins qui ont perdu la vie dans trois incidents liés à des traversées maritimes en 2022.

Il semble exister une représentation erronée, mais largement répandue, selon laquelle les personnes meurent le plus souvent au large en mer lorsque les opérations de recherche et de sauvetage ne sont pas correctement déclenchées ou que les secours mettent trop de temps à arriver. C’est le cas si on se réfère au naufrage du 24 novembre 2021, lors duquel les garde-côtes britanniques et français ont refusé de déclencher une opération de recherche et de sauvetage pour le groupe de plus de 30 personnes, se renvoyant la responsabilité les uns aux autres. Seules deux personnes ont survécu. Cette représentation a sans doute été renforcée par le naufrage du 14 décembre 2022, dans lequel plusieurs personnes ont perdu la vie alors que les autorités étaient informées des situations de détresse. Voir notre analyse de ce qui s’est réellement passé ici. Toutefois, à la suite de leurs échecs précédents, nous avons constaté que les garde-côtes français et britanniques ont depuis amélioré leur organisation, leur coordination et leurs ressources pour les missions de recherche et de sauvetage de part et d’autre de la Manche. Les bateaux français suivent régulièrement les canots pneumatiques des personnes qui se dirigent vers le Royaume-Uni afin d’être prêts à les secourir si nécessaire, et les forces frontalières britanniques anticipent les arrivées et secourent les personnes qui franchissent la frontière.

Ce que nous avons observé l’année dernière, cependant, c’est que les incidents mortels se sont tous produits malgré la présence ou l’intervention quasi immédiate de bateaux de sauvetage français, par exemple le 12 août, le 15 décembre 2023 et le 14 janvier 2024. Plus inquiétant encore, ils se sont tous produits sur les côtes françaises ou à portée de vue de celles-ci. Dans tous les cas, la cause semble être la même : les canots pneumatiques sont surchargés et tombent en panne peu après le départ, ou des situations dangereuses sont créées par lors d’embarquements et de mises à l’eau dans la panique.


2023 13 décès lors d’incidents liés à des tentatives de traversée en mer

12 août : 6 hommes afghans se noient après que le boudin de leur canot pneumatique transportant environ 65 personnes cède au large de Sangatte,

36 survivants sont emmenés au port de Calais par les garde-côtes français, et 22 ou 23 autres sont emmenés à Douvres par les garde-côtes britanniques. A ce jour, 2 personnes sont toujours portées disparues en mer.

Les survivants nous ont dit que leur canot avançait lentement en raison du grand nombre de personnes à bord (65 ou 66). L’un des boudins a cédé soudainement et la moitié des voyageurs est tombée dans l’eau. Certains ont essayé de nager jusqu’au rivage car selon leurs témoignages, ils pouvaient encore voir les lumières de Sangatte. L’opération de recherche et de sauvetage comprenait 5 navires français, 2 navires britanniques, un hélicoptère et un avion français. Les opérations de recherche et de sauvetage n’ont pas permis de récupérer tous les voyageurs, car la plupart d’entre eux étaient déjà dans l’eau lorsque le premier navire est arrivé sur place. Deux survivants sont placés en garde à vue, accusés d’avoir piloté le canot pneumatique.

26 septembre : Une femme Erythréenne de 24 ans meurt à Blériot-Plage après avoir été asphyxiée par la masse des 80 personnes qui tentaient de monter à bord d’un canot pneumatique.

Des témoins nous ont dit qu’un groupe s’est approché du canot au dernier moment avant le départ et a tenté de monter à bord. Le canot était déjà surchargé et cette intervention a provoqué une panique générale parmi les voyageurs. Nous connaissons au moins deux familles érythréennes qui ont été séparées, certaines ayant été poussées hors du bateau et d’autres n’ayant pas pu partir en raison de la pression physique exercée par la masse de personnes. Wudase, une femme érythréenne de 24 ans, n’a pas pu sortir et est morte d’asphyxie, écrasée sous les autres voyageurs. Son corps est débarqué du bateau et environ 80 personnes poursuivent leur voyage pour arriver au Royaume-Uni.

8 octobre : Un homme Erythréen de 23 ans est retrouvé noyé à Merlimont, après qu’un canot pneumatique transportant 60 personnes se soit brisé près de la plage.

Une soixantaine de personnes ont tenté de monter à bord d’un canot pneumatique en direction du Royaume-Uni, mais l’embarcation n’a pas pu supporter le poids des personnes et s’est brisée. Les voyageurs ont essayé de nager jusqu’au rivage, mais un homme, Meron, s’est noyé près de la plage. Les services d’urgence présents sur place n’ont pas réussi à le réanimer.

22 novembre : Trois personnes se noient au large d’Equihen-Plage, leur canot pneumatique s’étant brisé proche du rivage. 57 survivants regagnent la plage.

Deux corps, celui d’un homme, Aman, et d’une femme, Mulu, sont récupérés sur place. Un troisième corps, celui d’Ezekiel, un homme également originaire d’Éthiopie, est retrouvé sur la plage de Dannes le 4 décembre.

15 décembre : Un homme Kurde irakien, Rawezh, se noie à 8 km des côtes de Grand-Fort-Philippe après avoir tenté de passer au Royaume-Uni par la mer. 66 autres personnes sont secourues.

Alors que les militaires français s’approchent du bateau vers 1 heure du matin, l’équipage informe le CROSS Gris Nez que l’une des boudins du bateau s’est dégonflé et que des personnes se trouvent dans l’eau. Malgré la présence et la rapidité d’intervention des moyens de recherche et de sauvetage français, il était déjà trop tard pour récupérer toutes les personnes vivantes. Deux jeunes hommes, Hiwa et Nima, tous deux kurdes iraniens, sont toujours portés disparus après l’incident.

15 décembre : Un homme Soudanais, Ahmed, se noie à la plage de Sangatte.

Ce jour là, un bateau surchargé peine à quitter la plage de Sangatte, au milieu des gaz lacrymogènes lancés par la police française. Des personnes tombent à l’eau alors que le canot fait demi-tour en raison du moteur qui ne fonctionnait pas. Un jeune homme originaire du Soudan s’est noyé et est mort d’un arrêt cardio-respiratoire, coincé sous le canot pneumatique brisé.


Quelles évolutions ? Nouveaux accords de financement et accroissement des violences policières sur les plages françaises

Depuis l’introduction de la coopération des contrôles transfrontaliers dans les années 1990, les gouvernements français et britannique coopèrent plus étroitement pour attaquer et harceler les personnes en transit dans le nord de la France afin de les dissuader, sinon les empêcher de rejoindre le Royaume-Uni. Ce dernier verse ainsi d’importantes sommes d’argent à la France pour intensifier ses contrôles frontaliers dans le Nord et sécuriser ses ports et le tunnel sous la Manche. De 2014 à 2022, 319 millions de livres sterling ont été versés, selon la bibliothèque de la Chambre des communes. Ce montant comprend 150 millions de livres sterling répartis en quatre accords entre 2019 et 2022, qui visent à empêcher les traversées en bateau.

Ces financement visent à augmenter le nombre de policiers et de gendarmes patrouillant le long des côtes au travers de l’opération Poséidon, en déployant davantage de technologies de surveillance, notamment l’utilisation généralisée de lunettes de vision nocturne des drones, des avions et des caméras ANPR sur les routes ; et le déploiement de plusieurs buggys tout-terrain, entre autres équipements, tendent à accroître l’efficacité du dispositif sécuritaire sur les plages et dans les dunes. Cela semble d’abord augmenter la détection du matériel utilisé pour les traversées, bateaux, gilets de sauvetage, carburant, mais aussi des groupes qui attendent plusieurs heures dans les dunes, augmentant par la même la pression psychologique. Ce même équipement tend également à réduire considérablement le temps entre la détection et l’intervention lors de la mise à l’eau des embarcations, entraînant souvent la destruction des embarcations par lacération, contribuant fortement au caractère précipité et chaotique des mises à l’eau et à la violence physique sur la plage par les forces de l’ordre. De plus les accords renforcent la coopération et le partage de renseignements entre les forces de l’ordre sur le démantèlement des réseaux organisant les traversées.

Traces de buggy, gendarmes de l’opération Poséidon et fumée provenant d’un bateau crevé par la police puis incendié, Oye-Plage, Alarm Phone, 17 mai 2023

Malgré les sommes considérables déboursées par les Britanniques, les accords précédents ont souvent été critiqués parce qu’ils ne donnaient pas aux Français les moyens suffisants pour « arrêter les bateaux ». Ils ont également eu lieu dans une période de tension des relations entre la France et la Grande-Bretagne dans le mandat post-Brexit du premier ministre Boris Johnson. En mars dernier, les deux gouvernements ont redoublé d’efforts pour empêcher davantage les traversées en bateau et réprimer les personnes en transit dans le Nord. Une nouvelle déclaration a été faite en mars 2023, dans laquelle le Royaume-Uni a promis 478 millions de livres sterling aux Français sur trois ans pour 500 policiers supplémentaires, un nouveau centre de rétention administrative et une plus grande capacité de surveillance afin de « permettre une détection plus rapide des tentatives de traversée » et de « surveiller une plus grande zone du nord de la France et d’empêcher davantage de traversées ». Ces mesures ont entraîné une augmentation sensible du nombre d’interventions de la police pour empêcher la livraison des canots pneumatiques et de la violence sur les plages – parfois jusqu’en mer – visant à empêcher la mise à l’eau des canots pneumatiques, avec pour conséquence directe une augmentation des incidents mortels sur les côtes ou à proximité, au moment du départ des embarcations.

Les conséquences du nouvel accord

1. Des embarcations dangereusement surchargées

Bien que le nombre total de personnes ayant effectué la traversée soit inférieur en 2023 en comparaison de 2022, chaque embarcation réussissant le voyage était plus chargée en terme de nombre de personnes que l’année passée.

Les embarcations n’ont sensiblement pas augmenté en taille ou en navigabilité au cours des dernières années, mais sont sensiblement les mêmes pneumatiques de 7 à 8 m équipés d’un moteur et renforcés par des planches de métal ou de bois disposées de façon à former un plancher.

Comme illustré par le graphique ci-dessus, les 47 jours ayant la moyenne la plus élevée du nombre de personnes par canot pneumatique pour chaque jour d'arrivée ont tous eu lieu en 2023, quand 77 des 100 jours ayant la moyenne la plus élevée ont eu lieu l'année dernière. Le 26 septembre 2023, il y a eu une moyenne de plus de 70 personnes et il y a eu ensuite douze jours où il y a eu une moyenne de 59 personnes ou plus par canot pneumatique.

Le jour où la moyenne a été la plus élevée en 2022, on décompte en moyenne 53 personnes par canot pneumatique. En 2023, ces moyennes n'indiquent pas les chiffres réels de chaque canot pneumatique, qui ont récemment dépassé les 70, voire les 80 personnes par canot. Entre-temps, le nombre moyen d’embarcations effectuant la traversée sur une journée donnée a diminué.

L’un des facteurs participant à cette surcharge numéraire réside dans les opérations de police ciblant les réseaux logistiques qui organisent et fournissent les bateaux, opérant de la Turquie à d'autres pays européens comme l'Allemagne, qu'ils traversent avant d'être acheminés vers les côtes françaises pendant les périodes propices. Les véhicules et les chauffeurs qui effectuent les acheminements sont également ciblés par la police sur les routes côtières où des caméras ANPR enregistrent tous les véhicules, aidant à la surveillance et l’identification de ceux qui désignés suspects. Le gouvernement britannique s'est récemment vanté du fait qu'en 2023, 246 personnes ont été arrêtées en tant que « passeurs » et qu'une opération internationale a permis de saisir 136 canots pneumatiques et 46 moteurs hors-bord.

Ces attaques contre la chaîne d'approvisionnement ne diminuent pas la demande globale de traversées par bateau. Cela se résume dans l’idée qu’il y a seulement moins d’embarcations disponibles pour l’ensemble des potentiels passager. Il a été observé qu'en raison du nombre réduit de bateaux atteignant les plages les jours de traversée, les personnes qui espèrent voyager tentent de se forcer un chemin sur n'importe quel canot pneumatique livré et gonflé. C'est ainsi qu'une personne est morte écrasée à l'intérieur d'un canot pneumatique et que d'autres ont été poussées à la mer à partir d'un autre canot. Cela signifie également que les canots extrêmement surchargés échouent près des côtes françaises, comme ce fut le cas le 12 août 2023.

Embarcation de 7-8 m arrêtée lors de sa mise à l’eau sur la plage par la police, Oye-Plage, Alarm Phone, 22 avril 2023

2. Une recrudescence des violences policières

La recrudescence des violences policières sur les plages est la manifestation la plus visible des efforts déployés par les forces de l'ordre pour mettre en œuvre les nouveaux accords visant à « arrêter les bateaux ». Outre la réduction du nombre de canots pneumatiques arrivant sur les plages, l'augmentation des interventions de police et l’évolution de leur pratiques sur les plages démultiplie les risques.

Auparavant, les unités de police n'étaient pas en mesure de faire face au grand nombre de personnes participant à la mise à l'eau, elles restaient fréquemment en retrait sans intervenir. La police n’était également pas en mesure de couvrir l'ensemble du littoral entre la Belgique et Berck. Aujourd'hui, grâce à un soutien aérien plus important, au doublement du nombre d'agents et à l'augmentation des ressources telles que les buggys, la police est globalement bien plus en capacité d'intervenir au moment précis du départ. Les interventions les plus courantes consistent en la dispersion des groupes rassemblés sur la place avec une augmentation significative de l’usage de gaz lacrymogènes, avec pour objectif d’atteindre et de lacérer le canot pneumatique. Il nous a également été rapporté l'utilisation de lanceurs de balles de défense (type LBD-40) ou le fait que la police allant jusqu’à rentrer dans l’eau pour lacérer un canot pneumatique alors que les gens essayaient de monter à bord ou de démarrer le moteur.

La présence de la police engendre des situations de panique et de risques accrus dans lesquelles les canots pneumatiques sont mis à l'eau avant d'être complètement gonflés et où les gens doivent se précipiter à bord alors même qu’ayant l'eau jusqu'au cou. Au cours de ces moments, des personnes se sont noyées dans les eaux peu profondes, comme le 8 octobre 2023, et des familles ont été séparées, comme le 26 septembre de la même année. En ajoutant le paramètre de l'augmentation du nombre de personnes par bateau à celui de la panique, suite à la répression intense sur les plages, il est de plus en plus fréquent d'observer des embarquements chaotiques et surchargés où plus de 70 ou 80 personnes tentent de monter en même temps sur un canot pneumatique de quelques mètres de long. Ce genre de situation a aussi conduit à la mort d'une personne piétinée dans l’embarcation, ou à la multiplication des naufrages dans les premiers instants de la traversée avec des embarcations surchargées, comme ce fut le cas le 12 août, projetant tous les passagers dans l'eau, entraînant la mort de cinq d'entre eux.

Les autorités britanniques ont fièrement reconnu la recrudescence des violences. Dans un communiqué portant sur l'arrestation de deux personnes qui tentaient de résister à la violence de la police, le ministère de l'intérieur déclare :

« La tension sur les plages françaises augmente en raison des efforts déployés par les forces de l'ordre pour faire échouer cette entreprise criminelle organisée. Des incidents comme celui-ci mettent en lumière le travail complexe et courageux de nos collègues français dans des conditions difficiles. »

Dans la vidéo prise par la caméra embarquée d'un officier français, on voit des gaz lacrymogènes utilisés sans discernement sur un groupe dont on sait qu'il comprenait des personnes en situation de vulnérabilité. Les personnes rescapées à Calais ont rapporté l’usage régulier des gaz lacrymogènes, des LBD et des tactiques d'intimidation pour empêcher les départs par la police et la gendarmerie.

Image de la caméra corporelle de la police française montrant le gazage d'un groupe de personnes lors de la mise à l'eau d'un bateau, juin 2023.

Malgré cela, pour l'instant, il semble que la politique du gouvernement Français soit de ne pas intervenir pour arrêter les bateaux une fois qu'ils sont en mer et en route. Il semble y avoir une disparité évidente entre le souci de la sécurité de la vie en mer et la création de situations extrêmement dangereuses en attaquant les embarquements à terre.

Conclusion

L'hypocrisie des gouvernements français et britannique réside dans le fait que leurs interventions policières accrues, qu'ils décrivent de manière moralisatrice comme protégeant les personnes contraintes de se rendre au Royaume-Uni au moyen d’embarcation précaires, alors que les politiques frontalières leur refusent l'accès aux ferries et aux trains sûrs que le reste d'entre nous pouvons emprunter, n'ont fait qu'accroître les risques de leurs traversées. Malheureusement, il semble que ces politiques se poursuivront dans les années à venir, comme en témoigne l'accord de financement triennal du mois de mars dernier. Nous devons donc nous attendre à ce que les victimes soient de plus en plus accusées et à ce que des mensonges soient proférés pour chaque décès qui surviendra dans les années à venir. Les personnes qui devront continuer à faire ce voyage sont sacrifiées au nom des ambitions électorales des politiciens. Ce qu'ils comprennent, mais ne veulent pas admettre, c'est qu'il est impossible d' « arrêter les bateaux » tant que la frontière existe, et qu'une sécurisation accrue ne fait qu'augmenter le nombre de personnes qui y meurent. Il reste à voir jusqu'où les États iront dans la poursuite des politiques de souffrance et de mort au nom de la protection de leurs frontières.

En attendant, nous devons continuer à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour non seulement leur présenter le bilan de leur obstination, mais aussi nous organiser pour y résister avec celles et ceux qui le font déjà chaque jour.


1 Bien qu'ils soient souvent plus médiatisés, moins de personnes sont mortes en mer que lors de tentatives de traversée en camion ou en train. Mais si l'on considère la frontière dans sa globalité, la militarisation accrue tend également à contraindre les personnes à parcourir de plus longues distances pour se rendre à leur entreprise ou en revenir, à optimiser leur temps de trajet ou à éviter les itinéraires classiques. Les personnes sont concernées par ces deux types d'accidents sur leurs trajets quotidiens et sur le chemin menant ou en revenant de traversées par bateau, car l'utilisation des voies ferrées et des autoroutes est souvent un moyen d'échapper à l'espace public ou d'optimiser la marche sur de longues distances en raison du niveau élevé de répression aux passages à niveau autour des lieux de vie, comme à Calais et à Dunkerque.

2 Deux autres personnes sont toujours portées disparues en mer à la suite de cet incident. Bien que cela ne soit pas encore confirmé, les restes de deux personnes soupçonnées d'être des migrants de ce naufrage se sont échoués sur la plage de Texel, aux Pays-Bas.